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La Cour de justice de l’Union européenne oeuvre depuis de nombreuses à combler les lacunes et les imprécisions de la réglementation européenne en droit d’auteur. Il suffit de voir le nombre de décisions de la Cour reprises sur notre site internet pour en être facilement convaincu.
Dans quelques jours, l’Avocat Général devrait rendre ses conclusions dans l’affaire HP/Reprobel (C-572/13 déposée à la CJUE déjà en novembre 2013!). Ce dossier est d’une extrême importance tant pour les ayants droit que pour les industriels débiteurs des redevances en reprographie.
IPNews.be vous présente ici la problématique avant de revenir vers vous prochainement avec une analyse des conclusions de l’Avocat Général quand elles seront disponibles.
Présentation des parties et de l’objet du litige
Le litige oppose la société bien connue HP à la société de gestion belge Reprobel.
HP fabrique et offre à la vente des produits tant pour les particuliers que pour les entreprises. Ces produits sont, par exemple, des ordinateurs portables ou non ainsi que des imprimantes, des photocopieuses et des scanners.
Reprobel est une société de gestion de droits d’auteur belge. Reprobel gère, pour le compte de différentes sociétés de gestion, la perception et la distribution des redevances de reprographie. Les redevances pour reprographie sont dues en Belgique lors de l’importation sur le territoire belge d’appareils (comme les photocopieuses) qui servent à reproduire des oeuvres fixées sur papier comme des articles de journaux, des photographies, des illustrations ou des courts extrait d’un livre ou d’une partition de musique.
C’est pour cela que le système belge est dit dual puisque les redevances sont dues à deux moments:
- par les industriels, lors de l’importation des appareils sur le sol belge (les redevances étant alors forfaitaires et dépendantes de la vitesse de l’appareil);
- par les utilisateurs lorsqu’ils utilisent ces appareils pour reproduire les oeuvres fixées sur papier (les redevances étant alors proportionnelles aux reproductions estimées d’oeuvres protégées par lesdits utilisateurs).
Nous vous rappelons aussi que le gouvernement belge est en défaut depuis plus de dix ans quant à la mise à jour au monde numérique de l’exception de reprographie.
Que dit la loi?
Le principe de base du droit d’auteur est le suivant: si vous voulez réutiliser, reproduire ou communiquer au public l’oeuvre de quelqu’un d’autre, vous devez lui demander préalablement son autorisation.
Il existe toutefois des situations, prévues expressément dans la loi (et auparavant dans les directives européennes), où vous pouvez réutiliser l’oeuvre d’autrui sans lui demander avant son autorisation.
C’est le cas par exemple des reproductions d’oeuvres fixée sur papier que vous voulez reproduire (photocopier). La loi prévoit néanmoins que les auteurs et les éditeurs (les différents ayants droit en la matière) sont indirectement rémunérés pour la perte de ces exploitations, pour le fait de ne pas avoir pu vous donner le droit d’effectuer ces reproductions contre rémunération.
Ce système est appelé la reprographie. Il existe dans d’autres pays européens comme l’Allemagne ou la France.
La base légale de la reprographie est l’article 5.2.a de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information transposée en Belgique par l’intermédiaire des articles XI.190 et suivants et XI.235 et suivants du Code de droit économique.
Pour percevoir cette « rémunération », les auteurs et les éditeurs doivent d’abord s’affilier à une société de gestion qui elle-même doit être membre de Reprobel. Le partage de l’argent perçu par Reprobel sur la vente des appareils de reproductions et sur l’utilisation de ces appareils se fait dans ses deux collèges (le Collège des Auteurs et le Collège des Editeurs) sur la base d’études et de sondages. La dernière étude de marché sur le sujet a livré ses résultats en mai 2013. Les auteurs et les éditeurs recevront leur « rémunération » annuellement suite à la déclaration auprès de leur société de gestion des oeuvres qu’ils ont réalisées ou éditées l’année en question.
La reprographie est proche de l’exception pour copie privée qui compense les ayants droit pour les reproductions réalisées par le public d’oeuvres numériques.
Les questions posées à la CJUE
La Cour d’appel de Bruxelles, poussée par le refus d’HP de payer à Reprobel les redevances pour reprographie belges, a saisi la CJUE de plusieurs questions concernant le système de la reprographie.
Jusqu’à présent, à part dans le cas de l’affaire VG WORT, la CJUE n’a jamais vraiment eu à se pencher sur la reprographie. La jurisprudence européenne concerne surtout l’exception pour copie privée. C’est pourquoi, la Cour d’appel de Bruxelles, en première question, demande à la CJUE si les principes qu’elle a dégagés en matière de copie privée sont aussi à appliquer pour l’exception de reprographie.
La seconde question bruxelloise concerne le système belge que nous venons de vous présenter. La Cour d’appel interroge la CJUE sur le fait de savoir si la directive européenne de 2001 permet ou non aux Etats membres de fixer la compensation équitable de manière duale comme c’est le cas en Belgique (sur les appareils et par l’intermédiaire des utilisations desdits appareils)?
La troisième question est des plus…intéressante. En effet, la Cour d’appel interroge la CJUE sur le partage 50-50 au sein de Reprobel entre les auteurs et les éditeurs de l’argent perçu par Reprobel. La Cour d’appel voudrait savoir si les textes européens en vigueur permettent aux Etats membres de créer un tel partage entre les auteurs et les éditeurs? Cette question revient à remettre clairement en cause l’argent perçu par les éditeurs grâce à Reprobel. Nous parlons ici de plus de dix millions d’euros par an!
La dernière question posée par la Cour d’appel est parallèle à la seconde: les Etats membres peuvent-ils percevoir des redevances qui couvrent la copie de partitions de musique et de reproductions contrefaisantes?
Nous reviendrons vers vous lorsque l’Avocat général aura rendu ses conclusions. Ce devrait être prochainement le cas.
To be continued…
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