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La proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique (Partie 3)

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La proposition de nouvelle directive a été accueillie froidement par les différents acteurs dans le domaine du droit d’auteur. Un grand nombre de compromis ont déjà été réalisés mais certaines dispositions font encore l’objet de critiques.

Les articles 11 et 13 sont parmi ceux qui font le plus de débats auprès des concernés. En général, les dispositions de la directive doivent faire l’objet de compromis politiques.

L’analyse qui va suivre n’est pas exhaustive mais elle permet de comprendre les nouvelles problématiques qui sont crées par ce nouveau texte de loi.

Après vous avoir présenté le contexte ainsi que, sommairement, les différents articles de la proposition de directive, voici venir le temps d’approfondir un peu plus notre analyse.

Nous analyserons tout d’abord, le nouveau droit voisin des éditeurs de presse, ensuite, les difficultés rencontrées par les dispositions entourant les « prestataires de services de la société de l’information qui stockent un grand nombre d’oeuvres ou d’autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs et qui donnent accès à ces oeuvres et autres objets », pour terminer par une analyse de l’exception dite de « text and data mining ».

Droit des éditeurs de presse

L’article 11 de la proposition de directive propose un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse.

L’analyse d’impact demandée par la Commission européenne précise que trois options avaient été envisagées(COM(2016) 593 final, p. 9):

  • l’option n° 1 consistait à organiser un dialogue entre les parties intéressées pour trouver des solutions en matière de diffusion des contenus des éditeurs de presse. Cette option a été jugée insuffisante pour garantir la sécurité juridique dans toute l’Union européenne ;
  • l’option n° 2 consistait à instaurer un droit voisin portant sur les utilisations numériques des publications de presse ;
  • l’option n° 3 y ajoute la possibilité pour les États membres de permettre aux éditeurs, auxquels des droits ont été cédés ou concédés sous licence par un auteur, de réclamer une partie de la compensation prévue pour les utilisations relevant d’une exception.

 

C’est l’option n° 3 qui a été retenue, car elle « permet de résoudre tous les problèmes ».

Malgré cela, trois questions doivent encore être solutionnées à savoir :

  • le critère de longueur de la publication sur laquelle les éditeurs bénéficieraient d’un droit exclusif ;
  • la couverture des utilisations effectuées par les utilisateurs individuels ;
  • la durée de la protection.

 

En principe, les éditeurs de presse obtiennent uniquement un droit de reproduction et de mise à disposition du public.

Pour le moment, la durée de protection est fixée à 20 ans.

Les différents pays européens semblent pour l’instant accepter une définition large du concept de « publication dans la presse ». La réflexion se focalise actuellement sur les rapports entre ce nouveau droit à l’avantage des éditeurs et ceux des auteurs. Il s’agit en effet de par l’octroi de ce nouveau droit de ne pas mettre en péril les droits des auteurs.

Le fait d’accorder un droit aux éditeurs de presse risque en effet de créer un déséquilibre dans la mesure où notre rapport à l’information que nous récoltons sur internet ne sera plus le même.

Responsabilité des hébergeurs et filtrage

Selon l’article 13.1 de la proposition de directive :

« Les prestataires de services de la société de l’information qui stockent un grand nombre d’oeuvres ou d’autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs et qui donnent accès à ces oeuvres et autres objets prennent, en coopération avec les titulaires de droits, des mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits en ce qui concerne l’utilisation de leurs oeuvres ou autres objets protégés ou destinées à empêcher la mise à disposition, par leurs services, d’oeuvres ou d’autres objets protégés identifiés par les titulaires de droits en coopération avec les prestataires de services. Ces mesures, telles que le recours à des techniques efficaces de reconnaissance des contenus, doivent être appropriées et proportionnées. Les prestataires de services fournissent aux titulaires de droits des informations suffisantes sur le fonctionnement et la mise en place des mesures, ainsi que, s’il y a lieu, des comptes rendus réguliers sur la reconnaissance et l’utilisation des oeuvres et autres objets protégés. »

Cet article contient en tout premier lieu un problème de définition et d’interprétation. Il y a une nécessité d’éclaircir l’expression « communication au public » qui découle de la mise à disposition. Ce concept provoque des confusions puisqu’il peut être utilisé dans le cas spécifique des droits d’auteur mais il peut également être utilisé pour évaluer si un fournisseur de services d’hébergement peut bénéficier du régime prévu par l’article 14 de la directive e-commerce 2000/31/EC.

Cet article 14 de la directive 2000/31/EC, qui ne fait pas partie de la disposition, est donc à tenir à l’oeil. Rappelons que la responsabilité des plateformes a déjà été établie par la directive 2000/31/CE. L’article 13 de la proposition de directive est donc complémentaire à l’article 14 de la directive e-commerce. Il concerne la non-responsabilité de certains prestataires de services de la société d’information. L’objectif est de trouver une compatibilité entre ce dernier article et les différents articles de la proposition de directive qui apportent du renouveau au paysage des droits d’auteur.

Néanmoins, si une compatibilité ne peut pas être trouvée alors il faudra adapter et inclure des exceptions ou des précisions dans les nouvelles dispositions pour éviter les incompatibilités.

Un questionnement doit se faire quant à la responsabilité des fournisseurs d’accès à savoir si cette responsabilité concerne toutes les hypothèses possibles ou s’il y a un régime de limitation de responsabilité à certains cas concrets.

L’article 13 de la proposition de directive n’est pas toujours compatible avec les droits fondamentaux. Sont visées ici :

  • l’article 8 CEDH sur la protection des données personnelles ;
  • l’article 11 CEDH sur la liberté d’expression ;
  • l’article 16 CEDH sur la liberté de commerce.

 

En plus de ces articles, on peut remarquer que cet article porte également atteinte à la vie privée et au droit d’information.

L’installation d’un mécanisme de filtrage pour les fournisseurs d’accès crée une inégalité entre eux et met en péril la liberté d’expression.

L’exception de fouille de textes et de données

La fouille de textes et de données dans la recherche (« text and data mining ») (article 3 de la proposition de directive) est une exception très importante et très discutée dans les avis des différentes commissions spéciales. Il est important de soutenir les activités des entités publiques culturelles, de recherche ou enseignement. Jusqu’à présent les licences étaient difficiles à négocier pour l’usage culturel.

Il serait permis aux organismes de recherche (universités et instituts de recherche) de réaliser des reproductions et extractions, en vue de procéder à une fouille de textes et de données sur des oeuvres ou autres objets protégés auxquels ils ont légitimement accès mais uniquement à des fins de recherche scientifique. L’analyse d’impact (COM(2016) 593 final, p. 8-9) précise que ces utilisation à des fins de recherche scientifique peuvent être commerciales et non commerciales.

Le droit de l’Union ne tient pas suffisamment compte du fait que la fouille de textes et de données est de plus en plus utilisée au-delà des organismes de recherche officiels et au-delà de la recherche scientifique ce qui contribue à l’innovation et l’intérêt général.

Les droits d’auteur affectent les activités de fouilles de textes et de données. C’est pour cela que l’exception prévue est pertinente.

Par contre, la définition des organismes de recherche est d’interprétation stricte et le champ d’application a été limité et restreint à un certain nombre d’organismes, même si la volonté de certaines commissions spécialisées est d’élargir le champ d’application de la définition. En effet, la fouille de textes et de données est de plus en plus utilisée au-delà des organismes de recherche officiels et au-delà de la recherche scientifique ce qui contribue à l’innovation et l’intérêt général.

Droits d’auteur dans le numérique: rémunération, licences et relations contractuelles

La protection des droits d’auteur est fondamentale pour la diversité culturelle européenne. Le développement du numérique a apporté de nouvelles difficultés. D’une part, la dissémination du contenu rend difficilement applicable le respect des droits des auteurs. D’autre part, une juste rémunération est difficile à obtenir.

Un autre problème qui se pose dans cette nouvelle ère du numérique concerne la toujours difficile négociation entre les auteurs et les (grands) utilisateurs de leurs œuvres.

Pour contrer cette situation, la Commission européenne propose une transparence entre les partenaires contractuels, une obligation d’information mais également des mesures pour permettre un équilibre entre les parties, par exemple moyennant une médiation en cas de litige ou de désaccord.

En plus de sa mesure de filtrage sur les plateformes internet (voyez les discussions autour de la proposition d’article 13), le texte de la Commission européenne prévoit également que :

« Les États membres veillent à ce que les auteurs, interprètes et exécutants aient le droit de demander, à la partie avec laquelle ils ont conclu un contrat d’exploitation des droits, une rémunération supplémentaire appropriée lorsque la rémunération initialement convenue est exagérément faible par rapport aux recettes et bénéfices ultérieurement tirés de l’exploitation des oeuvres ou interprétations. » (proposition d’article 15).

Le transfert ou la concession sous licence des droits des auteurs est une pratique courante qui assure le financement création. Mais les auteurs et les artistes n’ont pas toujours accès aux données sur la façon dont leurs œuvres sont ensuite utilisées, promues et génèrent des revenus, ce qui les rend difficiles déterminer si leur rémunération correspond au succès réel du travail concerné.

Ceci justifie également la mise en place des mesures de transparence et d’information abordées précédemment et que l’on retrouve aux articles 14 à 16 de la proposition de directive.

Créer un nouveau pilier pour protéger le consommateur

Certains acteurs sont d’avis que la proposition ne reconnaît pas la position des consommateurs, utilisateurs de services, occupent maintenant dans l’environnement numérique. Ne jouant plus un simple rôle passif, ils sont devenus des contributeurs actifs et sont maintenant à la fois une source et un destinataire de contenu dans l’écosystème numérique.

Conclusion

Après avoir analysé cette nouvelle directive et les critiques qui lui sont reprochés, il y a un arrière- goût d’inachevé. D’autant plus, certains intéressés, comme les artistes-interprètes, sont oubliés. Une très grande importance, a contrario, est accordée aux éditeurs de presse. Pour une directive qui concerne les droits d’auteur, elle crée parfois un déséquilibre entre les parties. Certaines dispositions ne sont pas encore claires voir incomplètes et d’autres sont difficilement applicables en pratique sur le terrain. Il faudra encore faire preuve d’un peu de patience avant de connaitre, enfin, la version finale du texte.

Auteure invitée: Gara San Juan (@Garasjk)

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